Dans l'Intimité d'une feuille morte !
Avant d'être cette feuille qu'écrasent les semelles des hommes, cette pièce marron ou vermeille aux nervures craquelées que les vents emportent, ce morceau de nature fut d'abord en hiver un bourgeon sec aux abords retroussés et timides.
Collé aux branches comme une goutte d'eau sombre pendant les longues nuits d'hiver, il ornait modestement et sans phare les bras dénudés des arbres. Mais à y regarder de près, le bourgeon vivait intensément mais intérieurement les premières heures de sa vie. Il luttait contre les frimas, supportait, courageusement, les coiffes blanches des neiges et les piqures régulières des brises. Il était minuscule mais stoïque.
Il attendait son heure, sa minute et les premières bises du printemps. A son réveil, il étendit ses menus voiles froissés, ses petites nervures pleines de vie. Sa couleur ravivée par le soleil, la lumière et la sève changeait l'atmosphère et enjolivait son environnement !
Les branches dosèrent le sang vital à la feuille naissante. Elle sera, d'abord d'un vert tendre presque translucide et fragile. Quand le printemps s'installe, la Nature donne à ce rejeton qui s'étire un teint émeraude éclatant pour de longues semaines encore.
Cette feuille au parcours si heurté si compliqué arrive à nous dans sa merveilleuse livrée de princesse élue. Notre regard lui donne une consistance et un supplément de beauté. Mais elle n'a pas besoin de nous pour exister. Elle affronte les éléments avec la ténacité d'un être qui veut absolument vivre sa période de passage sur terre. Elle prendra toutes les formes qui lui sont possibles, toutes les couleurs et toutes les teintes que sa mère- la Nature- lui réserve sans réserve !
A nous, de regarder cette trajectoire et de prendre le temps de coucher sur la main une feuille morte pour en extraire le sommaire ou l'étendue d'une Vie exemplaire.
Mon cher Julien Gracq avait écrit un jour :" Tant de mains pour construire ce monde mais si peu de regards pour le contempler."
Je ne peux dire mieux !
M.B.
